Continuons avec une analyse simple afin de trouver une certaine clarté dans ce labyrinthe d’informations. Nous avons donc d’un côté des distillats plus ou moins puissants et fins ainsi que des fûts à l’impact aromatique fort ou léger. Les maîtres de chais vont ainsi réaliser un travail tout en finesse à partir de ces différents paramètres pour faire des propositions intéressantes.
Si nous prenons l’exemple de Glenfarclas ou Glendronach, ces distilleries produisent des distillats relativement puissants, et sont réputées pour l’utilisation des fûts de Xérès. Un distillat puissant a besoin d’un fût à l’impact puissant pour s’arrondir et s’équilibrer. Le fût, même après 20 ou 30 ans de vieillissement (voire plus) ne prendra pas forcément le dessus sur le distillat. On parle ici d’équilibre des arômes et d’accord entre distillat et fût. C’est extrêmement difficile et les distilleries qui arrivent à maintenir cet équilibre, années après années sur l’ensemble de leur production, sont rares et reconnues.
En revanche, si nous prenons un distillat plus fin comme Lagavulin ou The Balvenie, l’utilisation du fût de Bourbon de réemploi ou d’Hogshead de réemploi est très intéressante. Ces fûts ont un impact bien plus léger qu’un fût de Xérès, ils s’accordent donc parfaitement avec un distillat léger.
Ces fûts n’écraseront pas le spirit comme pourrait le faire un fût de Xérès ou de vin. Là aussi le travail du maître de chais est extrêmement technique. Il s’agit de vieillir son whisky suffisamment longtemps et dans un fût suffisamment impactant pour obtenir un whisky mature.
La science du bois au service de sa discrétion ! Ceci est une preuve de très grande maitrise à tous les niveaux de la production
Enfin, certaines distilleries comme The Dalmore ou Glenmorangie vont, malgré leur finesse de distillat, utiliser des fûts puissants, des doubles maturations ou des finitions, pour apporter un supplément aromatique différent grâce au bois. On parle ici de whisky "wood driven".
On cherche justement à imprimer la puissance aromatique du bois et du fût utilisé. Le maître de chais fait alors un travail d'équilibriste aromatique de l’ensemble.
Il s’agit de maitriser la fougue du bois et de maitriser la sucrosité que peuvent donner certains types de fûts pour explorer de nouvelles palettes aromatiques sans tomber dans les extrêmes qui pourraient déplaire.
Le rôle du maître de chais n’est donc pas de "booster son whisky avec un fût comme beaucoup le pense. Son rôle est avant tout de produire des gammes équilibrées et constantes, années après années, tout en sachant accorder le bois, ce qu’il a contenu, et le distillat.
Le maître de chais oriente ses fûts entre les gammes permanentes (constituées de l’assemblage de centaines de fûts), les éditions limitées ou small batch (constitués de l’assemblage de quelques fûts au caractère souvent fort et proche), et enfin les Single Casks embouteillés individuellement selon leur caractère différent, original et souvent exceptionnel. L'ensemble de cette démonstration est théorique, maitrisable dans la théorie.
Ce sont les grandes lignes connues… mais rappelez-vous que chaque fût va évoluer selon ses propres codes et développer ses propres nuances. Entre l’instant où le maître de chais rempli un fût en sortie d’alambic, et l’instant où il va savoir si l’accord a fonctionné, il peut s’écouler plusieurs années voire dizaines d’années. A noter que la puissante Scotch Whisky Association vient d’assouplir des règles vieilles de plus de 30 ans.
Désormais il sera autorisé de vieillir le whisky dans des fûts de chêne ayant contenu du Mezcal, de la Tequila, du Calvados ou même du Gin ! Des perspectives d’explorations très intéressantes à venir !